« Stefan ! Aurais-tu l'obligeance de te dépêcher ? »
« Je n'ai aucune envie d'aller à cette réception, mère. »
« Tu iras malgré tout. Les Mancini y seront... avec leur fille. »
« Combien de fois devrai-je te répéter que je ne suis pas intéressé ? Et que les rendez-vous arrangés par les parents, c'est vraiment... vraiment dégueulasse. » soupira le garçon en levant les yeux au ciel, tandis que sa mère réprima un hoquet de surprise en portant une main à sa bouche, indignée. « Surveille ton langage, veux-tu. Je t'attends en bas. » Bien évidemment, il finit par s'y rendre, à cette fameuse réception, organisée dans la villa des voisins. Il cacha son ennui sous les sourires et parla avec la fille des Mancini, sous les regards attendris de ceux-ci, alors qu'ils s'imaginaient déjà un avenir tout tracé pour les deux jeunes gens. Il avait beau être un adulte désormais, rien n'avait changé par rapport à son enfance. C'était toujours sa mère qui décidait et il n'avait pas son mot à dire. Enfin, il pouvait toujours essayer, pour voir ce que cela faisait, de se retrouver avec une carte bancaire bloquée et toute la famille sur son dos à cause d'un tel manque de respect. Se cacher derrière un masque d'hypocrisie, sourire alors qu'on a mal, c'était le prix à payer pour faire partie de la jeunesse dorée de Milan...

Ils ont tous les privilèges dont certains ne peuvent que rêver, mais ne possèdent pas le plus important. La liberté. La liberté de choisir, de décider. D'aimer ceux pour qui leur cœur bat en toute sincérité, et non pas ceux que leurs parents avaient choisi pour eux. Ils vivent dans les quartiers les plus chics, s'habillent chez les plus grands designers. Pour chacun d'entre eux, les bonnes manières, l'apprentissage de la valse, ce ne sont pas que des folies passagères. C'est leur quotidien. Une cage en or dont ils voudraient bien s'échapper... Chose qu'ils n'hésitent pas à faire à la moindre occasion. Vous vous dites sûrement qu'ils se rebellent, cherchent à s'oublier dans l'alcool, la drogue ? Détrompez-vous. Tout ce qu'ils veulent, c'est se sentir libre et ordinaire, ne serait-ce que pendant quelques heures. Se promener dans les rues de Milan, un Frappuccino à la main. Marcher pieds nus sur l'asphalte chaude de la Piazza del Duomo. Entrer dans une petite boulangerie au lieu de passer des heures dans des boutiques Yves-Saint Laurent et Georgio Armani. Et puis retrouver son grand amour en cachette, tout simplement... Parce que personne ne peut décider qui on peut ou qui on doit aimer. Seul notre cœur nous guide ; aux travers de la raison, des préjugés, des classes sociales. On aime parce que cela nous rend heureux. On aime parce que cela nous fait vivre. Le temps ne nous fait pas peur, parce qu'au fond, nous le savons, un jour, on finira par le trouver, ce grand amour et notre vie deviendra un conte de fées.